Ce premier graphique montre l’empreinte carbone des différentes étapes du cycle de vie du vêtement.
Impact carbone d’un vêtement tout au long de son cycle de vie1
On voit sur le graphique ci-dessus que l’impact carbone de la fabrication complète du vêtement hors matières premières est très élevé et atteint 45% des émissions totales d’un vêtement. En effet, la filature, le tissage, le tricotage, la teinture et la confection sont des étapes qui utilisent des machines, consomment énormément d’énergie. Prenons l’exemple de la teinture. Qu’elle soit réalisée en France ou en Asie, il faudra autant de kilowattheures pour teindre la matière. Ce qui importe ici est la provenance de l’énergie. On sait notamment que les énergies fossiles ont un impact carbone médiocre alors que le nucléaire ou les énergies renouvelables sont meilleures si l’on s’intéresse uniquement au CO2. Pour vous donner un ordre d’idée, voici quelques valeurs de l’impact carbone de la consommation d’électricité de plusieurs pays.
Émission de CO2 par kWh d’électricité consommée (en kgCO2 eq/kWh) 2
Pour émettre le moins possible de gaz à effet de serre, il faut donc que les ateliers de filature, de tissage (ou tricotage), de teinture, et de confection, soient basés dans des pays qui émettent peu de CO2 par kWh d’électricité consommée. Cela permet d’avoir des machines alimentées par de l’énergie à faible impact carbone.
La production et l’extraction des matières textiles (coton, polyamide, laine, …) est également très polluante avec 29% des émissions totales. Le choix de la matière joue donc un rôle important dans le bilan carbone total d’un vêtement. Les matières ayant l’impact carbone le plus bas sont les matières recyclées (entre 0,5 et 7 kg eq. CO2). Viennent ensuite les matières synthétiques (non recyclées), le coton (conventionnel et bio) et le lin (autour de 15kg eq. CO2). Enfin, les matières animales ont un bilan carbone bien plus élevé (80kg eq. CO2) qui s’explique par le rejet de méthane de certains animaux (vaches, moutons, …). Attention cependant de ne pas choisir la matière d’un vêtement uniquement sur le critère de l’impact carbone. En effet, chaque matière présente ses problématiques propres. Par exemple, les matières recyclées sont souvent de moins bonne qualité, les vêtements en synthétique génèrent des microfibres dans l’environnement et notamment dans les océans, le coton demande énormément d’eau pour être cultivé et est dangereux pour l’écosystème s’il est cultivé dans des zones arides (exemple de la mer d’Aral asséchée en Asie centrale)3.
Mer d'Aral en 1989 (à gauche) et en 2014 (à droite)
Contrairement aux idées reçues, le transport est quant à lui responsable de seulement 2% des émissions d’un vêtement. Les chiffres montrent que les impacts du transport pour une fabrication Asie et celui d’une fabrication France sont assez proches. Cette différence très faible est notamment due à la containérisation qui permet d’optimiser le transport (en gros, les transporteurs sont très forts au Tetris !).
En conclusion, pour qu’un vêtement ait un faible impact carbone, une marque doit d’abord s’intéresser au choix de sa matière et à son lieu de fabrication. Cela étant dit, d’autres paramètres sont à prendre en compte dans le processus de réalisation d’un vêtement.
2. L’Europe de l’Ouest, premier gage d’éco-responsabilité
Outre leur impact carbone important, nos vêtements posent aussi d’autres problèmes pour la planète, les humains et les animaux.
Vous avez peut-être entendu parler des rejets de produits toxiques dans certaines rivières lors de l’étape de teinture. On dit que l’on peut prédire la prochaine couleur à la mode en regardant celle des rivières… Sympa ! En effet, dans de nombreux pays, les entreprises ne traitent pas leurs déchets et leurs eaux usées à la sortie des usines, et les rejettent directement dans la nature. La teinture, procédé très polluant de manière générale, est un véritable désastre écologique et social lorsque les usines rejettent sans rien traiter. Cela a des conséquences sur l’environnement et également sur les populations qui boivent cette eau et cultivent grâce à elle4.
Pekalongan, une ville Indonésienne (source : Le Parisien)
On sait tous que les conditions de travail des ouvrières dans l’industrie textile sont souvent douteuses. De nombreux accidents ont déjà eu lieu provoquant de nombreux morts. Dans de nombreuses usines, les ouvrières ont des conditions de travail désastreuses : pas de pauses, pas de congés, des salaires extrêmement bas, des conditions sanitaires déplorables, et l’industrie textile a parfois même recours à des esclaves comme pour les Ouïgours en Chine.
Centres de travaux forcés Ouïgours (source : Wedressfair)
Bref, nul besoin d’en dire plus pour comprendre que les enjeux sociaux et environnementaux sont immenses, et qu’il est urgent de préserver la planète et les gens qui travaillent pour nous fabriquer nos vêtements.
L’avantage de travailler avec des entreprises européennes, c’est qu’elles sont soumises à des lois qui les empêchent de faire n’importe quoi. Au Portugal comme en France, les usines sont obligées de payer leurs salariés décemment (le salaire minimum de ces pays leur permet de vivre), des horaires raisonnables de travail doivent être respectés, les usines ont pour obligation de traiter leurs eaux usées et leurs déchets, et le traitement des animaux est réglementé, pas comme en Asie ou en Turquie par exemple. Travailler avec des partenaires d’Europe de l’Ouest (comme en France, Italie, Portugal, Espagne, Allemagne) est donc l’une des clés pour une justice sociale, un respect de la planète et des animaux.
Usine de fabrication des pantalons Basanne au Portugal
Attention cependant aux pays de l’Europe de l’Est qui sont en train de rivaliser avec la Chine, tant en termes de coût de main d’œuvre, qu’en termes de conditions de travail désastreuses5… L’Angleterre a elle aussi été accusée de scandale en 2020 pour avoir fait travailler des ouvrières à la limite de l’esclavage6. En bref, il est impératif pour les marques d’aller visiter les usines pour s’assurer que tout avance dans le bon sens.
3. Conclusion
Pour une fabrication écoresponsable, il est important d’avoir recours à des matières premières (filature, tissage, teinture, composants) et un vêtement final (confection) fabriqués en Europe, dans un pays qui consomme des énergies à faible impact carbone et qui respecte les réglementations en vigueur. Cela permet d’assurer au mieux le respect de l’environnement, des humains, et des animaux.
On parle souvent du made in France en pensant qu’il permettra de vraiment diminuer l’impact carbone de nos vêtements. La France est effectivement la meilleure option, mais pour deux toutes autres raisons : les conditions de travail qui sont meilleures qu’ailleurs (sécurité de l’emploi, minimum sociaux, bonne couverture chômage, …) et le faible impact carbone du mix énergétique de la France. Pour ces raisons, oui, la France doit être privilégiée, et ce pour un maximum d’étapes possible (matières premières, filature, tissage, tricotage, teinture, confection). Rappelons tout de même que le made in France ne concerne que la confection et que les matières proviennent bien souvent d’ailleurs.
Pantalon Basanne fabriqué au Portugal
Pour le pantalon, les matières sont suisses et italiennes car ce sont les plus résistantes d’Europe* (*sur plus de 400 références qu’on connaît !). La confection est réalisée au Portugal pour des raisons financières et c’est bien là le seul compromis que j’ai accepté de faire. Une confection en France coûte entre 2 et 2,5 fois plus cher qu’une confection au Portugal. L’objectif de Basanne est de proposer un produit éthique de qualité et accessible à un maximum de personnes afin d’encourager de plus en plus la consommation responsable. Voilà pourquoi on a choisi de fabriquer au Portugal !
J’espère que cet article vous aura permis de mieux comprendre nos choix et vous aura éclairé sur vos futurs achats responsables !
Qu'en avez-vous pensé ? On se retrouve en commentaire en bas de l'article pour en discuter ! :)
En attendant le prochain, je vous souhaite à tous une belle journée, soirée, nuit et vous dis à très bientôt !
Aliénor
Sources :
1 Measuring Fashion (QUANTIS) et Fashion on Climate (MCKINSEY)
2 Mix énergétique des pays du monde (ADEME) et Mix énergétique en France et émissions associées
3 Le poids de l’industrie textile sur l’environnement (FAIRACT)
4 Le problème de la teinture (WEDRESSFAIR)
5 Les Balkans, nouveaux acteurs de l’industrie textile (LES ECHOS)
6 Angleterre, des milliers d’esclaves dans des ateliers textiles (FRANCE INFO)